POLYNÉSIE : ENTRE MYTHES ET RÉALITÉ

 

6h05 - arrivée aéroport international de Faaa, Tahiti
checklist post atterrissage:
beau temps : ok
chaleur moite : ok
chemises à fleurs : ok
sourires et ukulélé : ok
colliers de fleurs : ok
yeux hagards : ok
t-shirts puants et collants: ok
sérieux besoin d'une douche: ouais
lucidité : hein ?

D'abord, récupérer les bagages, soit deux valises de 1,5 tonnes chacune. Ah quand on sait pas voyager léger, on devrait avoir au moins les moyens de se payer un porteur. Ensuite, réengistrement pour Moorea sur Air Tahiti.
Nous voilà enfin arrivées au bout du monde, dans le Pacifique Sud. Le voyage a été tranquille, enfin, si on aime être enfermé pendant 24 heures dans un tube de métal tremblotant et être interrompu régulièrement dans son premier sommeil par un gars (si je trouve qui c'est, il va m'entendre) qui hurle dans un micro: "Captain speaking…".
Mais cette arrivée sur cette piste unique, en bordure de lagon, les palmiers à portée de main, c'est déjà en soi une récompense. Nous voilà au paradis… Ah, les îles de la société, les Tuamotu… je me sens revivre. Et puis 25 degrés à l'ombre pour un 31 décembre, c'est pas mal, non ?
J'avais beaucoup lu sur la Polynésie avant d'y venir et je comptais bien découvrir si mon guide ne m'avait pas menti et si les îles avaient beaucoup changé depuis le premier passage du capitaine James Cook en septembre 1773 . Mais avant tout je voulais vérifier certains mythes.

"palmiers

 

Premier mythe: le bleu lagon
On a le bleu roi, le bleu ciel, le bleu turquoise, le bleu "char à pneu", le plus bleu que bleu et le bleu chose. Et puis, quand on veut faire vraiment joli, on dit "bleu lagon". Ahaha, je ricane, grossière erreur, parce que ça n'existe pas, le bleu lagon. Non, ce n'est pas le coup de soleil que j'ai pris sur l'avant du crâne qui me fait délirer. D'accord, le lagon est bleu (d'ailleurs, si on n'aime pas le bleu, la Polynésie, faut éviter, ok ?). Mais attention, le lagon n'est pas bêtement bleu, c'est un dégradé hallucinant de bleus qui varient en fonction de la profondeur de l'eau, du fond sous-marin (sable blanc, rose ou noir, rochers, coraux), des nuages qui passent dans le ciel, du vent, de l'heure et, bien sûr, du nombre de maitai ingurgités. On peut ainsi passer la journée assis au bord de l'eau à ne faire que ça: regarder les bleus du lagon changer. À ce propos, amis lecteurs, petit conseil de deux filles qui ont de l'expérience en la matière: si vous comptez rester toute la journée au bord de l'eau, prenez garde un phénomène méconnu des oublieux de l'écran total : la réverbération. Le phénomène se résume en un mot: " c'est-pas-parce-que-t'es-à-l'ombre-que-tu-vas-pas-prendre-un-coup-de-soleil-tartine-toi-de-crème-solaire-indice-35-minimum". Et pour ceux qui veulent voir à quoi ressemble le beau bleu de Bora ("qu'elle est belle, ton allitération !"), passez donc à la maison prendre un café vanille, je vous montrerai les photos…

Deuxième mythe: les requins
Question stupide du touriste (le gars tout blanc en sueur et bermudas assorti) au résident des îles (le gars tout bronzé en paréo court et tatouage assorti): "Y a-t-il des requins en Polynésie ?" Oh mais c'est qu'il se méprend, le bon monsieur, la question à poser serait plutôt "que faire lorsque je rencontre un requin (un seul, jour faste, sans doute ?) en faisant mon snorkeling matinal ???" Et oui, amis des bêtes à quatre pattes qui mordent pas, si vous avez peur des gros poissons, louez plutôt une pirogue et restez hors de l'eau, parce que des requins, il y en a partout. Je rassure les cardiaques, les requins de lagon sont inoffensifs. Enfin, c'est ce qu'on nous a dit. Requins gris, à pointes noires ou blanches, requins citrons, ce sont tous des gentils (dans la mesure où le requin a bien lu la circulaire 345/N28 l'informant qu'il devait être cool avec les touristes). Ils n'attaquent que s'ils sont sérieusement affamés ou s'ils se sentent en danger. Le touriste intelligent et respectueux du milieu marin ne risque rien. Même les plus craintifs nageurs de patogeoire pourront s'élancer dans le lagon, aquarium naturel où des requins à pointes noires évoluent gracieusement parmi les poissons clowns, les papillons et les bagnards (trois espèces de poissons colorés).
requins à pointes noires
Vous aimez les sensations fortes: participez à une séance de "shark feeding" (en français: "eh, les requins, c'est l'heure du goûter!"). Petite explication: un Tahitien embarque un groupe de touristes dans une pirogue à balancier et moteur, les conduit jusqu'aux récifs et les pousse à l'eau. Il jette ensuite des morceaux de poissons pour attirer les requins. Toujours aimaible, le Tahitien se met aussi à l'eau, histoire de prouver qu'on ne risque rien. Oh, ça rassure, mais si mais si. Quand le barracuda, qui n'était pas invité mais qui avait aussi une petite faim, se joint au spectacle, le touriste, petit futé, peut toujours se planquer derrière le Tahitien. Émotion garantie. Le requin étant du genre furtif, il ne reste pas nager aux côtés des touristes: il vient, il saisit, il s'enfuit, genre Jules César. Bien sûr les amateurs d'adrénaline à hautes doses peuvent tenter la nage libre en plein océan, où ils pourront croiser un requin marteau. Là, autre petit conseil: évitez le maillot de bain style léopard, parce que vous pourriez alors ressembler à une raie léopard, et le requin marteau adore ça, la raie léopard; et comme il est presque aveugle, le pauvre chéri, il pourrait confondre…

Autre mythe: la cuisine locale
Amateurs de bœuf, passez votre chemin, la Polynésie n'est pas pour vous. Ici c'est régime poisson à toute heure, et poulet à l'occasion (celui qui chante tous les matins dès 4 heures, si on peut l'attraper, on a le droit de le bouffer). Et ô merveille, pour vous les filles, en Polynésie, les hommes font la cuisine. Si sisisisi ! Et très bien même. Partez en picnic sur un motu, le pilote de la pirogue se charge de tout: il vous aide à descendre de la pirogue ("non, Fabienne, tu descends d'abord et après seulement tu enfiles tes palmes"), il allume le feu (avec un briquet, on n'est pas au Moyen-Âge quand même) et prépare le déjeuner. Pendant ce temps, vous les filles, allez vous asseoir dans le lagon, sur le sable blanc, pour parler du temps qu'il fait ("waow, qu'est-ce qu'il fait beau") et de la taille de la perle noire que vous allez vous offrir ou du dernier paréo à la mode. Pour vous les gars, voici en exclusivité la recette (non officielle) du poisson cru au lait de coco:
On pêche un thon, un gros de préférence, on le vide, on le coupe en petits morceaux (3x3 cm) qu'on met dans un plat (il faudrait normalement tresser le plat dans une feuille de bananier, mais je sais bien que les gars et la couture…) pour le rincer dans de l'eau salée. On y ajoute le jus de 2 citrons verts pressés, une carotte en julienne, un oignon en tranche, un concombre et une tomate en dés (notez l'harmonie des formes et des couleurs). On ajoute ensuite le lait de coco… Alors là, on se concentre parce que ça se complique un peu:
On prend une noix de coco (pas besoin de grimper le palmier, elles tombent toutes seules, faite gaffes d'ailleurs), on enlève son écorce (en la frappant sur un pieu préalablement taillé au coupe-coupe, sur un rythme soutenu), qu'on fera brûler dans un vieux tonneau pour éloigner les moustiques. Avec le coupe-coupe, on fait une entaille dans la noix et on récupère l'eau de coco (attention, pas de gaspillage, l'eau potable est une denrée précieuse sur une île). On râpe la noix (alors là, bonne chance, faut vraiment avoir la technique), on met la chair ainsi râpée dans un morceau de toile très fine mais solide (ou le paréo de madame, par vengeance). Puis on presse la toile pour faire sortir le lait, qu'on verse directement sur le poisson.
C'est prêt ! On invite ces dames à se mettre à table, en espérant qu'elles auront opté pour une perle à moins de 20 000 CFP.

coucher de soleil sur Raiatea Interlude historique
En janvier 1942, peu après l'attaque de Pearl Harbor par qui-vous-savez, les Américains, anxieux de maintenir leur domination dans le Pacifique, ont décidé de faire de Bora Bora une place forte et y ont installé un gros contingents de militaires (tous des planqués !) et plusieurs tonnes de matériel, dont deux énormes canons qui pointaient vers les deux seules passes donnant accès à l'île. Réussite totale de l'opération: les Japonais ont préféré Midway et Bora Bora, perle du Pacifique, a vécu en paix. La guerre terminée, les militaires américains sont repartis mais ont "oublié" quelques petites choses: les bunkers (qui servent aujourd'hui d'abris en cas de cyclone) et les canons. Jamais utilisés et un peu rouillés, ces canons pointent aujourd'hui encore sur les passes de Bora Bora mais aussi sur un grand hôtel de luxe construit par… devinez qui ? des Japonais ! C'est ce qu'on appelle l'ironie de l'Histoire…

Encore un mythe ? Que nenni !
D'après notre ami James Cook, en Polynésie, "les hommes sont grands, fortement membrés et bien faits. (…) la plupart ont le nez épaté et les lèvres épaisses; leurs traits sont pourtant agréables, leur démarche gracieuse, et leur façon d'être envers les étrangers et entre eux est franche, affable et courtoise (…). " Plus de deux siècles sont passés, mais cette description des maohis reste juste. Certes la population polynésienne s'est aujourd'hui enrichie d'une communauté chinoise et de quelques milliers de popaa . Et si le mythe de la superbe vahiné n'est pas usurpé, je tiens à signaler que les tane ne sont pas mal non plus. En plus, vu la quantité de tatouages qu'ils ont sur le corps, on est assuré d'avoir de la lecture pour les longues soirées d'été…
Des résidents iliens, il faut mentionner une catégorie un peu à part: les chiens polynésiens. Il s'agit d'une population évoluant librement sur les îles et qui échappe à tout contrôle humain. Sans maître, galeux, les chiens polynésiens se déplacent en famille et s'effraient facilement si on les regarde droit dans les yeux (inutile de crier "bou !", ils ne comprennent que le tahitien). Leur particularité tient à leur aspect : tous semblent résulter de croisements originaux réalisés par un savant fou, du type dogue allemand + basset, berger belge + caniche. Si vous voulez ramener un cliché original de Polynésie (pour éviter de déprimer vos amis avec des photos de palmiers et de ciel bleu), photographiez donc un toutou à tête de doberman montée sur un corps de teckel. Effet saisissant garanti.

Le mot de la fin
Il existe dans les légendes tahitiennes un héros récurrent: Hiro. Premier roi mythique de Raiatea, Hiro était, paraît-il, fort bien membré lui aussi et a d'ailleurs, après moults mésaventures, laissé ses attributs masculins un peu partout dans les îles. Pour le plaisir des yeux et des oreilles, et parce qu'il est toujours difficile de trouver le mot de la fin, voici un extrait, en maohi, de la légende de Hiro, racontant (je crois) comment ce roi malchanceux a brisé en deux sa pagaie et l'île de Huahine par la même occasion :
"Ua opua a'e nei hoi ia o Hiro i te haere e eia i te ho e moua no te afa i mai i Huahine nei. Aita hoi ia to etoe mai teie opuaraa, teie ia o Hiro e fa anahonaho nei i ta na maau e i ta na atoa anave no teie pai tautai rahi. Ua mararia ia te mau afaa i te raveraa a Hiro no te haere noa ia e maiti mai i te tahi mau pohue paari ei anave na na."

Note terminogique:
maohis: nom donné aux Polynésiens et à leur langue
popaa: Français de Métropole et touristes en général installés ou en visite en Polynésie (popaa signifie brûlé par le soleil, en langue maohi)
tane: homme, vahine: femme
pareo: grand morceau de tissu (en général du coton ou un mélange lin/coton) uni, coloré ou à motif que l'on noue pour en faire jupe, robe ou pagne.
maitai: cocktail à base de lait de coco et de rhum (il faut que je vérifie la recette); en maohi, maitai signifie "tout va bien"...
ukulélé: instrument de musique semblable à une petite guitare
ia orana: bonjour, maururu: merci, maeva: bienvenue

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